Entretien AnnaharFr avec L’ambassadrice de l’Union européenne au Liban, Sandra De Waele: nous saluons les efforts fournis par le Liban en 2025 vis-à-vis du désarmement du Hezbollah

Région 31-12-2025 | 16:09

Entretien AnnaharFr avec L’ambassadrice de l’Union européenne au Liban, Sandra De Waele: nous saluons les efforts fournis par le Liban en 2025 vis-à-vis du désarmement du Hezbollah

Les Forces armées libanaises accomplissent un travail remarquable en ce qui concerne le désarmement du Hezbollah, malgré le manque de ressources et la difficulté de la mission qui leur incombe.
Entretien AnnaharFr avec L’ambassadrice de l’Union européenne au Liban, Sandra De Waele: nous saluons les efforts fournis par le Liban en 2025 vis-à-vis du désarmement du Hezbollah
photo caption: L’ambassadrice de l’Union européenne au Liban, Sandra De Waele.
Smaller Bigger

Dans un contexte régional tendu et alors que le Liban tente de reprendre pied sur les plans politique, sécuritaire et institutionnel, Sandra De Waele, ambassadrice de l’Union européenne au Liban, livre à L’Annahar Fr sa lecture des défis actuels.

 

 Elle met en garde contre les risques qu’une nouvelle escalade ferait peser sur les efforts du gouvernement libanais pour rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire et instaurer le monopole de l’État sur les armes. Revenant sur le rythme des réformes et sur le plan des Forces armées libanaises adopté récemment, la diplomate européenne appelle à une lecture réaliste du temps nécessaire aux transformations en cours, tout en saluant l’engagement du gouvernement malgré un contexte sécuritaire difficile et des résistances persistantes.

 

Texte de l’entretien

 

 

- Du point de vue de l’Union européenne, comment décririez-vous le moment que traverse actuellement le Liban : une crise prolongée ou un tournant décisif ?

Personnellement, j’ai toujours tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide et à me concentrer sur les aspects positifs.

 

Objectivement parlant, l’année 2025 a marqué l’entrée du Liban dans une période de changements significatifs. L’élection d’un nouveau Président, la nomination d’un nouveau gouvernement, l’adoption de réformes clés et les premières mesures prises en vue d’étendre l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire indiquent toutes un tournant décisif potentiel.

 

Ce qui aurait semblé inimaginable il y a seulement un an commence à prendre forme : les progrès vers le rétablissement du monopole de l’État sur les armes, le démantèlement des infrastructures militaires d’acteurs non étatiques dans le sud du Liban, le désarmement partiel des camps palestiniens, ainsi que la volonté affichée de recourir aux négociations comme moyen d’atteindre une paix et une stabilité durables, constituent autant d’indicateurs positifs pour l’avenir du pays.

 

- Qu’est-ce qui préoccupe le plus l’Union européenne aujourd’hui quant à la trajectoire du Liban, et qu’est-ce qui continue néanmoins à susciter de l’espoir?

 

Naturellement, l’instabilité persistante dans le sud du Liban continue de nous préoccuper, d’autant plus que le nombre de victimes ne cesse d’augmenter et que des milliers d’habitants restent dans l’incapacité de regagner leurs maisons et leurs villages. Le cessez-le-feu de novembre 2024 doit être pleinement respecté par toutes les parties, et la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies demeure, à ce stade, la seule voie viable à suivre.

 

Cela étant dit, comme mentionné précédemment, de nombreux éléments permettent d’être optimistes, qu’il s’agisse des efforts du gouvernement, à travers les Forces armées libanaises, pour étendre son autorité sur l’ensemble de son territoire, ou de sa volonté, conjointement avec le Parlement, d’adopter les réformes nécessaires susceptibles de débloquer le soutien financier au pays.

 

En tant qu’Union européenne, nous nous félicitons de l’adoption par le Parlement de la loi sur l’indépendance de la justice et de la loi sur la résolution bancaire, et nous attendons avec intérêt l’adoption par le parlement d’une loi sur le rétablissement de l’ordre financier et la restitution des dépôts conforme aux normes internationales, qui pourrait à terme conduire à un programme avec le FMI et encourager les investissements étrangers au Liban.

 

Pour notre part, nous continuerons à soutenir le Liban, comme nous le faisons depuis de nombreuses années, notamment en mobilisant notre savoir-faire, nos ressources et nos instruments afin de renforcer les institutions de l’État, d’appuyer l’élaboration de politiques et de stratégies nationales, de promouvoir la bonne gouvernance et de stimuler le développement socio-économique.

 

En effet, il y a à peine deux semaines, nous avons signé avec le Gouvernement libanais six nouveaux accords de financement, pour un montant total de 110,5 millions d’euros, destinés à soutenir le secteur de la sécurité au Liban, la relance dans les régions affectées par le récent conflit, ainsi que les principales priorités de réforme.

 

- Le Liban est une nouvelle fois exposé aux conséquences des conflits régionaux. Comment l’Union européenne évalue-t-elle le risque d’une nouvelle escalade entre Israel et Hezbollah sur le territoire libanais ?

 

En tant qu’Union européenne, nous continuons d’appeler avec vigueur toutes les parties à respecter l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024 et à mettre pleinement en œuvre la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Au-delà du lourd tribut humain et des destructions, une nouvelle escalade serait indéniablement préjudiciable aux efforts entrepris par le gouvernement libanais pour exercer son autorité sur l’ensemble du territoire et parvenir au monopole de l’État sur les armes.

 

Le mécanisme de cessez-le-feu se réunit régulièrement, et nous encourageons toute forme de dialogue, que ce soit dans le cadre de ce mécanisme ou par d’autres voies, afin de régler les différends et d’épargner au pays et à la région les conséquences d’un nouveau conflit.

 

La Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi que la Présidente de la Commission européenne, plaident activement en faveur de solutions diplomatiques, tout en soulignant que nous exhortons toutes les parties à éviter toute rhétorique incendiaire ou provocatrice, laquelle ne ferait qu’exacerber les tensions et nous rapprocher du seuil de la guerre.

 

- Quel est le message de l’Union européenne à l’ensemble des acteurs au Liban concernant les dangers d’entraîner le pays dans un conflit régional élargi, en particulier le Hezbollah ?

 

Notre message, en tant qu’Union européenne, a toujours été d’appeler toutes les parties à respecter les termes de l’accord de cessez-le-feu de 2024 et à œuvrer à la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. En outre, nous avons publiquement soutenu la décision du gouvernement libanais d’assurer le monopole de l’État sur les armes, décision que nous espérons voir respectée par l’ensemble des parties, car elle constitue une voie essentielle pour parvenir à une stabilité durable et, à terme, à la paix dans le pays.

À cela s’ajoute notre exhortation à toutes les parties à éviter les discours incendiaires et les attitudes de défi, qui peuvent certes séduire certains électorats à court terme, mais qui auront des effets néfastes à long terme sur le pays dans son ensemble.

D’autre part, nous ne pouvons que saluer le travail accompli par la FINUL pour garantir la stabilité dans le sud du Liban, malgré les défis auxquels elle continue de faire face et qui peuvent entraver l’exercice de son mandat.

 

- Comment évaluez-vous les mesures prises par le gouvernement libanais en vue du désarmement du Hezbollah et de la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu ?

 

Comme je l’ai indiqué, nous appelons toutes les parties à respecter l’accord de cessez-le-feu de 2024, tout en sachant que nous soutenons pleinement les efforts du gouvernement visant à étendre son autorité sur l’ensemble du territoire et à garantir le monopole de l’État sur les armes.

 

Les Forces armées libanaises accomplissent un travail remarquable, malgré le manque de ressources et la difficulté de la mission qui leur incombe. C’est pourquoi nous renforçons notre soutien, notamment à travers une assistance à leur déploiement dans le sud, la fourniture d’équipements médicaux et de génie essentiels, ainsi que d’autres ressources indispensables pour les aider à mener à bien leur mission dans des conditions difficiles.

 

Cela étant dit, il ne faut pas oublier que le gouvernement n’est en place que depuis dix mois et que le plan des Forces armées libanaises visant à instaurer le monopole des armes n’a été adopté qu’en septembre ; dès lors, s’attendre à des résultats immédiats serait pour le moins irréaliste.

 

- Comment évaluez-vous les démarches par le gouvernement libanais en matière de réformes ?

 

S’il aurait naturellement été préférable que le rythme des réformes soit plus rapide, nous ne pouvons que saluer l’engagement du gouvernement et sa volonté de poursuivre ces réformes, malgré leur complexité parfois, le contexte sécuritaire difficile et l’opposition de certains intérêts acquis.

 

Si l’adoption d’une loi sur le rétablissement de l’ordre financier respectant une hiérarchie des créances largement reconnue est essentielle pour débloquer un programme du FMI dont le pays a grand besoin, nous ne pouvons que reconnaître positivement certaines réformes clés qui ont été adoptées ou sont actuellement en voie de finalisation. Il s’agit notamment de la loi relative à l’organisation de la justice, de la loi sur le secret bancaire, de la loi sur la résolution bancaire ou encore de la nouvelle loi sur les médias. Nous saluons également la décision du gouvernement de pourvoir les postes vacants au sein des instances judiciaires, de nommer des membres aux différentes autorités de régulation (électricité, télécommunications, aviation civile, sécurité alimentaire, etc.), de renforcer d’autres organes de contrôle afin qu’ils puissent exercer leur mandat de lutte contre la corruption, ainsi que de s’atteler à la réforme du secteur public.

 

Le pays est assurément sur la bonne trajectoire, mais bien entendu, davantage reste à faire, surtout en termes de réduire la dépendance sur le soutien financier de la communauté internationale à travers une politique fiscale plus saine.

 

En tant qu’Union européenne, nous continuerons à soutenir le gouvernement dans ces efforts de réforme, comme nous le faisons activement depuis ces dernières années.

 

-Que manque-t-il encore au Liban pour répondre aux exigences en matière de réformes nécessaires à l’obtention du soutien de la communauté internationale et du Fonds monétaire international ?

 

Je crois que le FMI a clairement défini la liste des réformes nécessaires pour débloquer un programme du FMI, dont un grand nombre figurent dans l’accord au niveau des services (Staff-Level Agreement).  La loi sur la résolution bancaire et la loi sur la résolution bancaire sont essentielles à cet égard, sachant qu’un programme du FMI enverrait un signal de confiance à la communauté internationale, laquelle serait alors davantage disposée à soutenir le Liban et à y investir.

Pour notre part, la BEI (La Banque européenne d'investissement) et la BERD (La Banque européenne pour la reconstruction et le développement) sont certainement disposées et désireuses d’investir au Liban et de soutenir son secteur privé, mais cela restera largement conditionné à la mise en œuvre des réformes susmentionnées.